Les frères Karamazov
Difficulté ****
Profondeur ****
Originalité ***
Emotions **
Dostoïevski est une icône littéraire intouchable, il est le responsable du choix de la BE de ne garder qu’un livre de chaque auteur tant ses œuvres remplissaient les listes préférentielles. La sélection des « frères Karamazov » s’est appuyée à la fois sur la consistance du roman (vs « le joueur » ou « le double ») et sur sa profondeur.
A l’instar de Tolkien dans « Le seigneur des anneaux », le début du roman pourra être un repoussoir fort tant les débats philosophico-religieux qui le remplissent sont éloignés d’une trame scénaristique minimale. Si la culture hobbit ne peut à priori captiver personne (avant la lecture du reste de l’œuvre en tout cas), les longues pages de r de débats philosophiques entre les personnages de Dostoïevski élèvent l’esprit du lecteur à un niveau rare. Aussi le c’est le roman qui devient un peu superficiel après tant de gravité.
Car l’histoire est assez creuse entre les errances philosophiques des deux cadets et les outrances amoureuses et financières du père et de l’aîné. Le parricide accélère sa dynamique, mais les atermoiements reprennent et seul le personnage de Smerdiakov nous touche, acteur de sa propre fin et aligné avec ses convictions.
Car, au risque d’égratigner le maître, la folie habituelle des personnages russes (chez Gogol, Boulgakov, Tolstoï), prend ici une teinte absurde et un peu pathétique qui limite l’intérêt du lecteur. Russes à l’excès et excessivement russes, ces caractères frôlent la caricature (l’affreux père, le dépensier ainé, le bâtard humilié, la femme enfant amorale …).
Connaissant le drame personnel que vivait l’auteur avec la mort de son enfant, on s’interrogera sur l’objet de l’œuvre : l’auteur n’est-t-il pas ici dans une forme d’auto-thérapie ? Cette partie philosophique sur l’existence de Dieu, le parricide central et la mort du petit Iliousha ne sont-ils pas tous des échos psychanalytiques de la souffrance de Dostoïevski lui-même ? Cela expliquerait le rythme bizarre et l’étrangeté des personnages, notamment la trinité du frère aîné (figurant l’auteur), du benjamin (paré des qualités de son fils) et du cadet (le starets, représentant de dieu).
On retrouve évidemment tout ce qui fait le sel de la littérature russe : violence, châtiment, perversité, lutte incertaine entre le bien et le mal, esprit de sacrifice. Aussi certains voient ce roman comme le plus grand jamais écrit, chacun en sera juge.