top of page
tolk.jpg

Le seigneur des anneaux

Difficulté ***

Profondeur **

Originalité ***

Emotions ****

Tolkien fut l’inventeur de l’Heroic Fantasy et l’inspirateur du jeu de rôle médiéval fantastique. Son imagerie unique convoque magie, monstres, races fantastiques, féerie et épopées. Son idée fondatrice du récit de l’union des races et des talents est désormais une base scénaristique récurrente. 

A l’instar des « Frères Karamazov », « Le seigneur des anneaux » se permet le luxe de cent premières pages sur la culture (imaginaire) des hobbits. Réservée aux lecteurs aguerris, cette entrée en matière peut être écartée pour profiter d’emblée de la symbiose d’un style descriptif luxuriant et précis et d’une saga fantastique et touchante. Je déconseille la lecture postérieure du « Hobbith » dont les enjeux et la complexité sont moindres. 

 

Le début du livre ressemble à un roman de compagnons dans l’esprit militaire anglais de l’époque avec ses duos inséparables. Mais des couples illuminent ensuite le récit : Sam et Rosie, Arwen et Aragorn, Galadriel et Céléborn, et la modernité de personnages féminins surpuissants et indépendants est indéniable (Eowyn, Arwen, Galadriel). On notera d’ailleurs la chute systématique des veufs du roman : Dénéthor, Théoden, Elrond, et par là l’importance implicite de la femme.

Les liens familiaux sont omniprésents : déclinés systématiquement par les personnages lorsqu’ils se présentent (« Aragorn fils d’arathorn »), ils façonnent des personnages réalistes et touchants.

 

Du point de vue scénaristique, on peut débattre des nombreux deus ex machina qui déterminent l’issue des combats (l’armée des morts à Minas Tirith, Gandalf à Helm, les Ents à la tour Blanche), mais les sacrifices  dans la victoire, la défaite ou la fuite (Boromir, Théoden, Théodred, Balin, Gandalf, Faramir) ne cachent pas la noirceur de la guerre, tout comme les nombreuses défections d’alliés (elfes, nains, lenteur du Rohan et des Ents). Aussi le souffle épique ne faiblit jamais, les victoires improbables se nourrissant du sang des combattants. 

 

Le symbolisme de l’œuvre nourrit une dynamique en miroir : le titre de chacun des trois tomes est une double évocation (groupe de Gandalf et des Nazgûls, les deux Minas ou les tours blanche et noire, le retour de Théoden et celui d’Aragorn), les duos opposés sont partout : Gandalf et Saroumane, Legolas et Gimli, Boromir et Faramir, Gollum et Sméagol, Gandalf et Mithrandir. Anneaux, tours et Palantiri sont multiples et viennent alimenter cette cohésion d’un monde imaginé. Enfin, la symbolique christique (Tolkien rejoint ainsi Dumas) assure un lien culturel avec notre réalité : résurrection en blanc de Gandalf, mal ominscient, Balrog démoniaque, esprit de sacrifice...

Les thématiques sont nombreuses : le bien contre le mal, la filiation, la nature, la guerre, la perversion du pouvoir (symbolisé par l’anneau éponyme et les Palantiri), la folie (Saroumane, Boromir, Denethor), … Mais c’est dans l’analyse du mal que l’auteur, en vétéran de la guerre, développe une réflexion profonde, sans manichéisme. Car l’adversaire ultime restera un œil désincarné, alors que la plupart des autres antagonistes, pervertis par Sauron, développent des psychés douloureuses et ambivalentes, au point de pouvoir se repentir (Theoden, Boromir, Gollum) ou d’en finir (Denethor), consumé par la folie. Par là, Tolkien nie l’existence du mal, développant un humanisme total, exprimé parfaitement dans le récit de Gollum que Gandalf fait à Frodo. 

 

Chef d’œuvre incontesté et quatrième roman le plus vendu de l’histoire avec 150 millions d’exemplaires.

bottom of page